Histoire de Theneuille

L'Histoire de Theneuille

La commune de Theneuille est située au sud-est de l’ancien canton de Cérilly. Elle couvre une superficie de 3970 hectares, dont un peu moins de 10% (environ 350 ha) en forêt domaniale de Civrais. 
Les points culminants sont vers Lavault / Vilanciaux et La Tachette au N.O. : 386m, et l’altitude la plus basse se situe vers Blaudière au S.E. : 265 m environ.

Theneuille comptait 372 habitants en 2021. Le maire est Denis Clerget.

Plusieurs hypothèses existent sur l’origine du nom de Theneuille.

L’abbé Bordelle, ancien curé du Vilhain, mentionne comme étymologie : Locus Thyoneus (endroit dédié à Bacchus) ou Theus (lieu dédié à Mercure, dieu de l’éloquence). Une autre hypothèse est plus souvent citée : Theneuille viendrait de « tann » et « ialo » (noms gaulois du chêne et de la clairière).

Les origines de Theneuille sont donc très anciennes, et la commune fut habitée dès l’époque gauloise. Après la conquête de la Gaule par César, on attribue aux Romains la découverte des sources de Saint-Pardoux et La Trollière. Plus tard, au Vème siècle ce fut l’invasion par les Goths (Wisigoths) qui laissèrent, parait-il, le nom de Gozinière. Puis ce furent les Francs. Deux cercueils de l’époque mérovingienne furent découverts dans les années 1970 au lieudit La Claude, près de la lisière de Civrais. Pépin le Bref premier roi carolingien, accompagné de son fils Charles (le futur Charlemagne) traversa le pays à la tête de ses troupes en 761 pour reprendre le château de Bourbon l’Archambault au duc d’Aquitaine Waifre.

Enfin, la tradition veut que lors d’un pèlerinage à Souvigny sur les tombeaux des Saints Mayeul et Odilon, 3ème et 4ème abbés de Cluny, le roi Robert le Pieux fit halte à Saint–Pardoux en 1031 dont l’eau est déjà fort renommée.

Toujours selon l’abbé Bordelle : « L’église de Theneuille, la seule complètement romane dans le pays, date du commencement du XIème siècle ». Sa restauration récente a permis de préserver ce patrimoine communal « facteur important de la mémoire collective » pour reprendre l’expression de Georges Berger, son meilleur historien.

A l’époque féodale, la quasi-totalité de Theneuille faisait partie de la châtellenie de Bourbon-l’Archambault. Seule la partie nord-ouest, approximativement celle dépendant du Vieux-Château de Ginsais, appartenait à la châtellenie de la Bruyère l’Aubespin.

Theneuille se caractérise à cette époque par un grand nombre de châteaux féodaux, traduisant dans cette forte présence défensive une volonté de se préserver contre de nombreux envahisseurs. Il y aurait eu d’abord La Motte, où résidait le principal seigneur de Theneuille, près de l’église Saint-Pierre (qui en aurait été la chapelle).

Les anglais brulèrent La Motte en même temps que La Bruyère l’Aubespin en 1369.
Les châteaux du Bouis et de Ginsais ont également beaucoup souffert de l’invasion anglaise. D’autres châteaux comme La Trollière, La Faix, Biozais, Valnivault, subirent également des dégradations.

Après les anglais, ce furent les guerres de religion qui générèrent de nouvelles dévastations.
Le château du Bouis fut en partie détruit malgré une « résistance remarquable » nous dit l’abbé Bordelle. Puis ce furent les guerres de La Fronde.
Le château de Ginsais a subi de telles dévastations qu’il ne fut plus jamais réparé.

D’une manière générale, La Fronde eut comme conséquence la destruction de nombreux châteaux féodaux (ce que la Révolution acheva). Les anciens seigneurs campagnards migrèrent vers la Cour, laissant leurs anciens châteaux en délabrement.

A la Révolution, les possessions des anciens seigneurs furent vendues comme biens nationaux. Theneuille fait alors partie du premier canton de Cérilly avec le chef-lieu et Le Vilhain. Ce petit canton fait partie du district de Cérilly, l’un des sept de L’Allier.

Au début de la période révolutionnaire le curé Jean Dubost fut élu maire. Mais ayant refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé il fut déporté sur les pontons de Rochefort-sur-Mer, puis mourut à l’ile d’Aix (Charente-Maritime) en 1794.
A cette époque, les renouvellements municipaux sont fréquents. Le district occupe une place de plus en plus importante. Les évènements étaient dominés par « les grandes choses qui se passaient en France » comme le commente très justement l’érudit cérillois Georges Bodard qui a beaucoup écrit sur Theneuille.

A partir de 1798, en application de la loi Jourdan-Delbrel, est mise en place la conscription militaire. C’est surtout sous l’Empire que des jeunes conscrits theneuillois partent servir dans l’armée napoléonienne.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, la vie theneuilloise sera marquée par l’arrivée de Louis Bignon, né en 1816 à Hérisson dans une famille modeste.

Orphelin de père à 13 ans, il décide de « monter » à Paris. Moins de vingt ans plus tard, en 1847, il devint propriétaire d’un des plus prestigieux restaurants de Paris : « Le Riche ».
En 1849, il achète son premier domaine à Theneuille où « il va commencer à appliquer des idées novatrices » comme le souligne Michel Moreau (président des Amis du Vieil Hérisson).
A Paris, la carrière de Louis Bignon est extraordinaire : « Le Riche » est la table la plus célèbre de la capitale. Le Tout-Paris s’y presse : l’empereur Napoléon III, le duc de Morny (son demi-frère, propriétaire à Naves dans l’Allier), les Goncourt, Flaubert, Maupassant, Alphonse Daudet, Alexandre Dumas père et fils et même Baudelaire et Zola, etc.

A Theneuille, Louis Bignon achète les domaines de Bonneau, Grand Fy, La Croix, Jinsais, Laume, Touraillère, Le Domaine Neuf. Les « fermes Bignon » sont transformées selon un modèle type, avec une maison moderne et des bâtiments d’exploitation neufs ou transformés. Il reprend en mains directement la gestion de ses domaines, réaménage totalement les baux. Il fait construire son château de La Croix, et aménager un parc.
En 1894, il organise le concours agricole départemental… que Cérilly ne veut pas accueillir pour raison de sécheresse.

Autres réalisations pérennes liées à Louis Bignon : l’hospice de Cérilly et la gare de Theneuille. Avec Eugène Pinon, vétérinaire et élu cérillois, il lance en 1904 le projet de construction de l’établissement qui est aujourd’hui la Maison de Retraite. 

Louis Bignon intervient également avec détermination afin que le chemin de fer économique passe par Theneuille et qu’on y implante une gare. Le « tacot » circulera de 1890 à 1950. On pourrait citer d’autres actions.

Bref, la carrière hors du commun de Louis Bignon constitua pour Theneuille une opportunité de développement jusqu’à son décès en 1906.
A la fin du 19ème siècle, Theneuille compte 1427 habitants en 1891 et 1325 en 1896.

Mais, la condition paysanne est souvent difficile.
Notre voisin ygrandais Emile Guillaumin, « travailleur manuel sans culture particulière » comme il se présente lui-même mais qui faillit obtenir le prix Goncourt, décrit de manière simple et directe le travail de la terre et la vie à la campagne.
Il fut aussi un syndicaliste agricole qui tenta d’aider les paysans à prendre conscience de leurs intérêts et de leur dignité pour qu’ils s’organisent eux-mêmes.

 

Avec la Première Guerre Mondiale, la tendance démographique allait naturellement s’inverser. Sur les 180 theneuillois mobilisés, très souvent des paysans, trente-cinq (voire peut-être plus) ne revinrent jamais, et très nombreux furent les blessés souvent graves.
La gare de Theneuille avait été un point de départ de très nombreux soldats du secteur pour le front.
Les soldats de Theneuille furent engagés dans toutes les grandes batailles : l’attaque en Lorraine, la Marne, l’Artois, La Champagne, Verdun, le Chemin des Dames, et la bataille finale. Le monument aux morts édifié en 1921 rappelle leur sacrifice.

Début 1916, des soldats du génie et du train des équipages, des territoriaux, furent détachés du front et arrivèrent à Civrais et à Tronçais pour faire des bois de tranchées. Ils furent nombreux à Theneuille (entre 500 et 700) et installèrent une scierie militaire à la Maillerie. Le bois était ensuite acheminé vers le front à partir de la halte du « tacot » à Saint-Pardoux.

La paix n’allait durer qu’une génération. D’abord, avec la débâcle de mai-juin 1940, ce sont près de 500 réfugiés qui arrivèrent en gare et furent accueillis à Theneuille. Puis, à partir du débarquement allié en Afrique du Nord et de la défaite allemande à Stalingrad de janvier 43, des maquis se forment progressivement à Civrais : Michel (du futur général Mairal), du 14 juillet, des réfugiés espagnols. Le 8 aout 1944, le groupe de combat anti-maquis Burkardt qui stationne depuis peu à Montluçon, attaqua la ferme de Bouillole à Saint-Plaisir, à la lisière de Theneuille. Les allemands, qui n’étaient pas venus là par hasard, se dirigèrent ensuite vers Gondoux, et l’Hermitage à Theneuille (où les responsables régionaux de la Résistance étaient réunis). Au soir du 8 aout, 10 jeunes hommes (2 civils et 8 F.F.I.) avaient été tués. Le massacre de Bouillole fait partie de notre mémoire collective.

Après-guerre, ce fut ici comme partout, le baby-boom. Quatre classes existaient alors. L’emploi dans les années 1960 n’était pas un problème avec notamment l’usine Valéri de Tronçais qui compensait l’exode rural. Cette situation n’allait durer qu’une génération.

Depuis, Theneuille, comme tous nos villages, connait une décroissance régulière de sa population. L’agriculture reste l’activité dominante, mais génère, avec la mécanisation, moins d’emplois.

Theneuille est aujourd’hui, dans un contexte général peu favorable au monde rural, un village agréable à vivre, avec son bourg soigneusement aménagé, son église restaurée, une vie associative dynamique.

A Theneuille, et pour reprendre quelques mots de notre voisin Charles-Louis Philippe : « on respire avec une liberté sans phrase ».

Histoire de l'Ecole de Theneuille

Avant les lois Jules FERRY

Pendant la Révolution, en 1792, la Convention et en particulier Condorcet ont proposé de rendre l’école gratuite et obligatoire. Le projet était remarquable, mais la période trop instable n’a pas permis de le faire aboutir.

C’est en 1833, avec la loi Guizot, que les communes de plus de 500 habitants ont l’obligation d’entretenir une école primaire gratuite. Avec 1082 habitants lors du recensement de 1831, Theneuille doit donc créer une école gratuite mixte.

En 1867, la loi Duruy rend obligatoire une école de filles dans les communes de plus de 500 habitants. Lors du recensement de 1866, Theneuille compte 1 200 habitants et doit donc appliquer la nouvelle disposition. Une délibération du conseil municipal du 3 aout 1867 : ”Jusqu’à présent, il a été pourvu au besoin de l’instruction des filles au moyen de l’école mixte qui existe et qui fonctionne actuellement. Il est évident que cette école mixte devra continuer à fonctionner jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à la création et à l’entretien d’une école spéciale de filles. La commune de Theneuille qui n’a aucune espèce de réserve et qui est obligée de pourvoir au moyen de centimes additionnels, a été successivement obligée de créer l’école communale qui existe, et dans ce moment elle fait construire à la suite de l’école communale un bâtiment destiné à agrandir cette école et à servir aussi pour la salle de mairie”.

Cette délibération renseigne sur l’emplacement de l’école mixte, qui est d’ailleurs essentiellement une école de garçons, et sur celui de la mairie. L’un et l’autre paraissent se situer à leurs emplacements actuels.

En 1875, un bail est signé avec M. Sauty pour établir l’école communale de filles.

Les lois Jules FERRY

En juin 1881, Jules Ferry, Président du Conseil et ministre de l’Instruction Publique décide d’instaurer la gratuité de l’enseignement primaire. Avant cette loi, 7 000 communes avaient opté pour la gratuité, ce qui à la lecture des délibérations, parait être le cas de Theneuille. Pour imposer cette obligation à l’ensemble du territoire, il fallait inscrire le principe général de gratuité absolue dans la loi.

En mars 1882, Jules Ferry rend bien sur l’instruction obligatoire mais aussi laïque.

En milieu rural notamment, les lois Jules Ferry vont constituer un progrès considérable pour la généralisation de l’enseignement et en particulier pour la scolarisation des filles.

Dès février 1882, le conseil municipal “se préoccupe des établissements scolaires de la commune qui manquent complètement pour l’école des filles et qui sont insuffisants pour l’école des garçons. Il s’en est préoccupé avec d’autant plus de raisons que depuis que l’instruction est devenue gratuite, le nombre des élèves a presque doublé, que de 34/35 élèves qui fréquentaient soit l’école des garçons soit l’école des filles il y a 3 ans, on est dans l’une et l’autre école au chiffre de 70”.

Pour l’école des garçons, il est nécessaire d’agrandir la salle existante qui ne peut contenir que 45 élèves. Le conseil municipal sollicite un architecte qui remet pour le projet un devis de 14 700 Frs. Le financement sera assuré par un prêt de la Caisse des lycées, collèges et établissements primaires.

Pour l’école des filles, la commune ne possédant aucun local et louant à M. Sauty une maison étroite, sans élévation, sans cour ni jardin, il est nécessaire d’envisager l’acquisition d’un terrain à l’intersection de la route nationale 153 et de l’actuelle rote de Saint-Pardoux. L’essentiel du terrain nécessaire à la construction appartient à M. Louis Bignon qui propos d’en faire don à la commune. L’architecte missionné par le conseil municipal dresse un premier devis qui s’élève à 25 800 Frs.

Ce devis est rapidement revu à la hausse, en raison de prestations complémentaires et passe à 36 000 Frs. Le financement est prévu comme suit :

  • Caisse de Secours : 19 000
  • Emprunt : 16 000 (Caisse des lycées, collèges, et établissements primaires)
  • Fonds de caisse : 1 000

                                     Total : 36 000 Frs    

Ainsi, et comme on peut le lire (assez difficilement) sur le linteau de la porte d’entrée de l’ancienne maison d’habitation des institutrices, le bâtiment sera mis en service en 1886.

Donc, au milieu de la décennie 1880, la commune de Theneuille avait mis en place le dispositif d’accueil de l’école publique obligatoire, gratuite et laïque. C’est globalement celui que toutes les générations d’élèves theneuillois ont connu. 

La 1ère photo de classe retrouvée et présentée pour l’exposition date de 1894. Elle explique le titre donné à l’exposition :

            “ 100 ans de l’école publique de l’école publique de Theneuille en photos” 

Les élèves qui figurent sur cette 1ère photo deviendront tous des soldats de la Grande Guerre. 

Puis, les années passant, les photos de classes deviendront au fil du temps de moins en moins rares. Elles constitueront un souvenir commun pour celles et ceux qui sont allés en classe ensemble. Ce sera souvent un socle d’amitié. Après la Deuxième Guerre Mondiale, les générations sont nombreuses, les photos sont annuelles. Beaucoup d’élèves peuvent être identifiés. Puis, progressivement, l’avenir s’est assombri et chacun sait ce qu’il est advenu en 1992.

Un siècle et demi avant l’émergence dans le grand public de l’intelligence artificielle… l’idée puis la mise en œuvre de l’école publique obligatoire, gratuite, et laïque furent une avancée majeure de l’Histoire de France. Theneuille y participa en mobilisant tous ses moyens.   

Alexandre Bessard              

Légende de la photo où 2 élèves sont identifiés : - au 2ème rang , le 2ème à partir de la droite est Alexandre Pobeau, grand-père d’Alexandre Bessard - au 3ème rang , le 3ème à partir de la droite est Pierre Duchezeau , arrière-grand- père de Laurent, Agnès, Jean-Pierre et Pascaline Boudet. Ils étaient tous les deux nés en 1886 . Le premier est décédé en 1965, et le second en 1957.